Mammite : un cas d’école sur aire paillée
En élevage, l’apparition d’une mammite colibacillaire a été l’occasion de revoir les bonnes pratiques de gestion de l’aire paillée.
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Fin septembre 2024, un éleveur laitier appelle en fin de journée pour soigner une vache couchée, atteinte, selon lui, d’une mammite. Je me rends dans cet élevage de 80 vaches en lactation reconnu pour être bien tenu. Les laitières ont accès au pâturage, mais elles pâturent peu du fait du mauvais temps (tempête Aitor). Elles sont logées dans une stabulation libre en aire paillée quasiment intégralement. Seuls les cinq mètres derrière les cornadis ne sont pas paillés, mais bétonnés.
Depuis plusieurs années, le troupeau est vacciné avec les deux vaccins disponibles en France contre les mammites : Startvac et Ubac.
Pour rappel, à eux deux, ces vaccins ont pour but de réduire l’incidence des mammites à streptocoques, staphylocoque et colibacille et de diminuer la sévérité de certaines d’entre elles. Mais leur efficacité n’est pas de 100 %, comme nous le verrons dans ce cas. Sur place, j’examine la vache couchée dans la paille, incapable de se lever. Elle est en position d’auto-auscultation, très abattue, respire vite, présente une hyperthermie modérée et a le quartier postérieur droit induré avec un lait d’aspect très modifié.
Une température de litière trop élevée
Face à ces symptômes, une mammite sévère est diagnostiquée, dite « de grade 3 » ou « toxinique » ou « colibacillaire ». Le traitement habituel est instauré : perfusion de trois litres de solution concentrée en sel (chlorure de sodium hypertonique à 7,2 %), anti-inflammatoire, antibiothérapie par voie intraveineuse, puis apport d’eau par voie orale.
Lors de la perfusion, qui prend une dizaine de minutes, le jeune éleveur qui m’accompagne me pose des questions sur l’origine des mammites de ce type. Je lui dis que nous allons procéder à un simple test (sachant que ce type de mammite est en général lié à l’environnement).
Je dégaine mon thermomètre rectal pour bovin et je le plante dans la litière sur une dizaine de centimètres à trois endroits proches de nous et là où aucune vache n’a été couchée au cours des quarante dernières minutes (les animaux étant dans l’aire d’attente avant la traite). Les trois mesures indiquent une température de litière de 40,4 °C, 43 °C et plus de 44 °C. Ces températures sont largement supérieures aux recommandations pour le curage des aires paillées.
De 1 à 1,2 kg de paille par mètre carré
J’explique à l’éleveur qu’un second test simple peut être réalisé afin de juger de la suffisance ou non du paillage : faire mettre à genoux l’éleveur dans la litière et le faire se relever. Si les genoux sont sales et humides, le paillage est insuffisant… Mais, dans cette ferme, le paillage est abondant et ce test n’est pas nécessaire. Nous abordons alors avec l’éleveur la fréquence du curage. Il m’indique que, depuis cette année, il cure toutes les deux semaines. Avant, il le faisait toutes les trois semaines mais il trouvait cela insuffisant. Je lui rappelle donc que le curage n’est pas une affaire de durée mais de température de litière : il doit avoir lieu dès que la température de la litière à 10 cm de profondeur atteint 36 °C. En effet, plus celle-ci est élevée, plus les bactéries responsables de mammites d’environnement (colibacilles et streptocoques, notamment) se multiplient et sont susceptibles d’entraîner une mammite.
Mais, s’il faut pailler suffisamment afin d’assurer la bonne propreté des animaux, il ne faut pas trop pailler, car un excès de paille entraîne une augmentation plus rapide de la température de la litière. Ainsi, juste après le curage, il est recommandé de pailler avec 2 à 2,4 kg de paille/m2. Les jours suivants, il suffit de pailler avec 1 à 1,2 kg/m2 (si les bovins disposent d’une surface suffisante par animal d’environ 6 à 7 m2). Ainsi, une simple mammite colibacillaire peut être une opportunité pour revoir les pratiques de l’éleveur et lui permettre de s’améliorer tout en diminuant drastiquement le nombre de ces mammites.
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